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Spécialiste des questions liées au vieillissement, Luc Broussy vient de remettre un rapport interministériel sur l’adaptation des logements, des villes, des mobilités et des territoires à la transition démographique, intitulé « Nous vieillirons ensemble ».

Nous avons un fonctionnement administratif complètement cloisonné.

Luc Broussy, spécialiste des questions liées au vieillissement

Votre rapport met la question du vieillissement en perspective avec de très nombreux champs de l’habitat, notamment celui du logement accompagné. Intégrer les résidences sociales était une évidence pour vous ?

Luc Broussy : Pour être tout à fait honnête, je n’y avais pas pensé. C’est l’Unafo qui m’a contacté alors que je rédigeais le document et qui m’a renvoyé notamment vers le webinaire réalisé sur la question. J’y ai découvert les initiatives des adhérents de l’Union et j’ai été frappé par l’énergie mise par certains d’entre eux pour réussir à sortir leurs projets, en se faufilant dans le dédale administratif français. J’ai trouvé que c’était tellement typique des organisations en tuyaux d’orgue de notre pays que j’ai souhaité les mettre en lumière.

Qu’est-ce qui vous a frappé dans ces témoignages ?

LB : J’y ai retrouvé ce que j’ai pu observer dans d’autres secteurs, à savoir le décalage entre des acteurs de bonne volonté et des réglementations étriquées qui freinent des projets dont la société a pourtant besoin. De toute évidence, le modèle des résidences sociales peut offrir une vraie alternative à des populations modestes qui ont tendance à passer entre les mailles du filet. L’expérience des gestionnaires du logement accompagné montre également que l’on a des populations qui « vieillissent » plus vite que d’autres, du fait de leur parcours de vie, des gens qui arrivent à 60 ou 70 ans sans être handicapés ni dépendants mais en situation de fragilité accélérée. Que les professionnels du secteur souhaitent élargir leurs dispositifs à ces publics me semble être du bon sens.

Quel est pour vous le problème principal ?

LB : J’entends l’argument officiel qui est de dire que les résidences sociales sont une solution temporaire et donc qu’elles n’ont pas vocation à accueillir des publics âgés qui, par nature, seraient là pour rester. Mais le problème est plus profond : nous avons un fonctionnement administratif qui est complètement cloisonné. Dans notre logique, il y a des seniors, il y a des précaires, il y a des handicapés, il y a des travailleurs migrants, et chacun a droit à ses réponses propres. Mais on n’a pas envisagé la possibilité qu’il puisse y avoir des seniors précaires ou des travailleurs migrants handicapés. Ces frontières théoriques sur lesquelles sont basées nos politiques publiques ne sont pas en phase avec la réalité.

Votre rapport est construit autour de propositions concrètes pour faire bouger les lignes. Vous êtes confiants pour la suite ?

LC : Il y a toujours des raisons d’être confiant. Déjà on le voit sur le terrain, malgré les freins et les cases, les adhérents de l’Unafo ont réussi à monter leurs projets et à tordre certaines règles, souvent avec l’appui de fonctionnaires qui ont conscience des limites du système et qui savent trouver le trou de souris pour que les choses se fassent. Ensuite, ce rapport n’est pas une fin en soi, c’est le début de quelque chose. Je souhaite assurer avec une vigilance extrême le service après-vente de ces propositions. J’ai passé plusieurs mois à travailler avec les forces sociales et les acteurs de terrain, ce n’est pas pour que cela reste lettre morte.

Vous avez déjà eu un premier retour sur votre retour ?

LB : Le retour des ministres concernés a été très positif et bienveillant. Mais comme j’ai passé l’âge de me faire endormir par des propos apaisants, ce n’est pas cela qui m’importe. Ce qui m’importe ce sera notre capacité collective à faire bouger les lignes dans les prochains mois qu’il y ait une loi, ce que je souhaite, ou qu’il n’y en ait pas. A titre personnel, je n’entends pas être un rapporteur passif : mon rapport ne se veut pas une conclusion mais au contraire le début d’un plan de bataille qui nous concerne tous.

Crédit photo-portrait © Patrick Dagonnot