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Sandra Daunis, Déléguée Générale de la Cilpi (Commission interministérielle pour le logement des personnes immigrées), revient pour Action Habitat sur l’avancée du Plan de Traitement des Foyers de Travailleurs Migrants (PTFTM), 25 ans après son démarrage, les enjeux pour les prochaines années et la nécessaire collaboration entre les différents acteurs.

Plan de traitement des foyers de travailleurs migrants :

Le projet social est aussi important que le projet immobilier

Sandra Daunis, Déléguée Générale de la Cilpi

 

L’an prochain, cela fera 25 ans que le PTFTM a été lancé. Quel bilan peut-on dresser à l’occasion de cet « anniversaire » ?

Lorsque le plan a été initié en 1997, on recensait 687 foyers de travailleurs migrants sur le territoire français. A ce jour, 465 ont été traités ou sont en cours de traitement, 90 ont été démolis, vendus ou ont changé de statut, et il reste donc 132 sites à traiter. Au total, nous obtenons un taux de réalisation de 80%. Néanmoins, il s’agit d’un résultat en trompe-l’œil car les 20% restants sont sans doute les foyers les plus complexes à traiter de par leur taille, leur situation géographique ou encore certaines réserves des collectivités. Il serait donc utopiste de dire que nous sommes dans la dernière ligne droite, il reste encore un gros effort à faire.

Qu’est-ce qui a changé depuis le démarrage du plan ?

La manière d’aborder les projets a changé. En 1997, certains FTM ont reçu le statut de résidence sociale, sans créer de logements autonomes. Les chambres de 4,5 m² ont été transformées en chambres de 9m², mais les cuisines et sanitaires restaient partagés. Ce n’est que dans un second temps que s’est imposée la nécessité de passer à des logements systématiquement autonomes. Du coup, on se retrouve avec une génération de résidences sociales, construites à la fin des années 90, qui ne correspond pas aux standards actuels. Leurs  gestionnaires se tournent vers la Cilpi pour les réintégrer au plan. Il y a clairement un décalage entre les premiers et les derniers foyers traités. Nous essayons de répondre à cette réalité et avons déjà intégré 18 résidences sociales au PTFTM – même si l’objectif n’est évidemment pas de créer un cycle sans fin.

Quelles sont aujourd’hui les clefs de la réussite d’un projet de traitement ?

La première chose à laquelle nous faisons attention réside dans l’intégration des nouvelles résidences dans leur environnement urbain et la garantie d’une bonne mobilité des publics. Nous avons définitivement rompu avec l’époque des foyers situés en périphérie, loin de tout y compris des bassins d’emplois et du tissu associatif nécessaire à l’accompagnement social des publics. L’autre point crucial, qui est le prolongement du précédent, concerne le projet social : celui-ci est aussi important que le projet immobilier, si ce n’est plus. Mais c’est aussi là que la contrainte budgétaire s’affirme. L’AGLS, nécessaire à la coordination des actions d’accompagnement est restée stable ces dernières années alors que les besoins et les coûts de fonctionnement ont augmenté.

C’est pour vous LE frein principal actuel du plan de traitement ?

Non, mais c’est en tout cas l’un des points sur lesquels nous sommes particulièrement vigilants. D’ailleurs, nous ne restons pas les bras croisés et réfléchissons actuellement, avec des acteurs comme l’Unafo, à poser les bases d’un nouveau mode d’attribution de l’AGLS. Nous avons mené une enquête nationale dont les résultats corroborent celle de l’Unafo et qui constitue un support aux réflexions d’ensemble. Mais ce n’est pas la seule difficulté rencontrée dans le montage des projets : pour rappel, on parle tout de même d’opérations à plus de 10 millions d’euros en moyenne et qu’il faut mener en tenant compte de conditions budgétaires contraignantes, d’une diminution de capacité et d’un foncier qui se raréfie en zone tendue.

Comment les foyers non-traités ont-ils traversé la crise sanitaire ?

Nous avons craint au début de la crise que les chiffres soient très alarmants en matière de contaminations voire de décès, mais il n’en a rien été. Pourtant, certains sites sont en sur-occupation et il est difficile d’y maîtriser les entrées et les sorties. Mais les gestionnaires ont su s’adapter dès le début de la crise, à une époque où il n’y avait pas de matériel de protection et où on ne savait presque rien sur la maladie. De son côté, la Cilpi s’est mobilisée avec les têtes de réseau comme l’Unafo pour venir en aide aux gestionnaires, aider au transfert vers les Centres d’Hébergement Spécialisés COVID et à l’isolement des personnes contaminées, faire le lien avec l’ARS, la DGCS et la task force Covid… Il y a eu un vrai échange et un vrai partage de bonnes pratiques qui a été bénéfique pour tous, et qui va nous permettre d’avancer différemment.

C’est-à-dire ?

Pendant la crise, les FTM ont attiré l’attention des médias et de certains politiques, et Madame la Ministre Emmanuelle Wargon nous a chargés de réaliser une feuille de route sur le traitement des foyers et la production de résidences sociales.  C’est l’action collective qui nous a permis de sortir par le haut de cette crise. Aussi nous avons souhaité capitaliser sur les liens qui ont été renforcés pendant la crise et avons décidé de travailler non pas en alcôves mais au sein de groupes de travail réunissant les têtes de réseaux, des élus, les associations… Cette autre façon de travailler doit nous permettre de lever les freins actuels au plan de traitement et de travailler ensemble autour d’une feuille de route commune.

Quels sont les grands axes de cette feuille de route ?

Nous en avons identifié 4 : les difficultés économiques globales liées au montage de ces projets et à l’accompagnement dans la durée des publics ; l’identification et la mobilisation du foncier disponible ; le renforcement de la connaissance et de la sensibilisation des acteurs locaux pour lever leurs appréhensions ; et enfin la meilleure intégration des résidences sociales dans la politique du Logement d’abord.

Ces axes ont fait l’objet de travaux menés en partenariat depuis plusieurs mois, et qui nous ont déjà permis de trouver des solutions concrètes, comme le recours au foncier temporaire, l’assouplissement de l’octroi des subventions, ou encore la création d’outils d’information et de sensibilisation à destination des élus.

Cela va-t-il suffire pour finaliser rapidement le plan de traitement ? 

Ce ne sera peut-être pas suffisant mais c’est en tout cas nécessaire. Le plan va prendre en charge des opérations de plus en plus complexes les 20% restants, il va nous falloir plus de dynamisme et d’énergie pour faire émerger des projets qui mettent un terme à des conditions de vie qui n’ont plus lieu d’être aujourd’hui.  Il faut faire preuve de conviction et d’attractivité, imaginer des projets plus esthétiques, plus durables, plus performants, moins énergivores ; des projets mieux intégrés au tissu urbain aussi, capables d’accueillir toute la mixité de publics qui se tourne désormais vers le logement accompagné : chaque résidence sociale devient une carte de visite pour aller convaincre les élus réticents.

Quel rôle souhaitez-vous voir les gestionnaires jouer à vos côtés ? 

Nous avons besoin de leur apport pour continuer à enrichir des projets ancrés dans le tissu local. J’ai été vraiment impressionnée par leur capacité d’adaptation dans le cadre de la crise : si la résidence sociale est un dispositif très souple, les gestionnaires ne sont pas en reste, et les projets sociaux qu’ils portent sont pensés pour répondre aux besoins des territoires. C’est ce que nous devons faire comprendre aux élus pour lever leurs réserves. Bien sûr, nous connaissons leurs contraintes, notamment pour financer la transformation de chambres et l’accompagnement des résidents, mais nous avançons collectivement pour améliorer les choses. Le plan de traitement n’est pas quelque chose de statique, c’est un outil qui évolue avec les acteurs de terrain.