1. Unafo
  2. Entretien avec Florent Gueguen

Entretien avec Florent Gueguen

Pour Action Habitat#59, le magazine de l'Unafo de mars 2021, Florent Gueguen, directeur général de la fédération des Acteurs de la Solidarité revient sur les SIAO, le bilan qu'il en tire, et leur évolution.

« Dans les grandes métropoles, les SIAO sont trop souvent perçus comme des gestionnaires de file d’attente ».

Florent Guéguen, directeur général de la FAS

Quel bilan dressez-vous de la première décennie des SIAO ?

La création des SIAO et l’intégration du 115 a été une petite révolution dans l’accès à l’hébergement des personnes à la rue. Avant, chaque association gérait ses propres circuits d’accueil ce qui posait de vraies problématiques d’inégalités de traitement d’un territoire à l’autre. Aujourd’hui, on a un système plus égalitaire et plus transparent, même si tout n’est pas parfait. L’autre progrès majeur est la montée en puissance progressive des SIAO sur la coordination entre les nombreux acteurs territoriaux de la veille sociale, de l’hébergement et du logement accompagné, mais aussi les services de premier contact ou les lieux intermédiaires. Et puis certains SIAO ont développé de précieuses capacités d’observation sociale du sans-abrisme sur leur territoire : c’est encore inégal d’un département à l’autre, mais essentiel pour mieux connaître les publics et leur évolution… et donc mieux y répondre.

C’est un bilan globalement positif pour vous, donc ?

En tout cas, personne n’imaginerait revenir en arrière aujourd’hui : c’est la preuve que les SIAO ont acquis une forte légitimité aussi bien vis-à-vis des pouvoirs publics que du milieu associatif. D’ailleurs, l’État s’appuie de plus en plus sur cette coordination départementale et a annoncé la création de 150 postes dans le cadre du plan de relance.  C’est un premier pas encourageant.

Quels sont à vos yeux les points à améliorer ?

Il reste plusieurs pas à franchir, notamment sur la question de l’accès au logement. Sur l’hébergement, les orientations fonctionnent plutôt bien dans un contexte de pénurie même si la situation s’est dégradée depuis septembre avec les graves dysfonctionnements du système d’information SISIAO. Mais sur le logement, les SIAO manquent de visibilité sur les disponibilités, y compris sur les contingents municipaux, des bailleurs ou d’Action Logement. Les choses ont progressé, la coordination s’est intensifiée, mais il y a encore des réticences de la part de certains acteurs, y compris sur le logement accompagné. Il n’est évidemment pas question que les SIAO centralisent seuls les orientations, mais ils doivent néanmoins être au cœur de la démarche. Et parallèlement, il reste un vrai travail de sensibilisation et de formation des travailleurs sociaux à effecteur sur les dispositifs du logement accompagné.

 Le SI SIAO est-il lui aussi un frein ?

A la base, le système d’information unique est censé simplifier le quotidien des professionnels, mais depuis septembre dernier, nous traversons une période de crise aiguë. La fusion des 4 SI existants imposée par l’État en 2018 était nécessaire mais depuis quelques mois on observe des dysfonctionnements majeurs sur des fonctions basiques, des dossiers sociaux ont été perdus, impossible de savoir si les places sont vraiment disponibles à un instant T… Cela oblige certains SIAO à recréer des outils en parallèle pour traiter les demandes en dehors du cadre légal imposé par le RGPD. Nous avons alerté le Ministère et la DGCS, il faut une réaction rapide et à la hauteur de la situation, avec un calendrier réaliste de réparation des dysfonctionnements.

Comment voyez-vous les SIAO évoluer à court terme ?

Cela va dépendre de leur capacité à intégrer le logement accompagné mais aussi les différents contingents : si les collectivités locales s’impliquent davantage dans la gouvernance et dans la coordination des SIAO, on pourra espérer avoir des maires et des présidents d’intercommunalité davantage sensibilisés aux spécificités de la lutte contre le sans-abrisme. Il faudrait également renforcer la place des acteurs du soin et de la psychiatrie dans le dispositif, compte tenu des problèmes de santé des publics accueillis.

Est-ce que cela suffira à améliorer l’accès au logement ?

Il ne faut pas oublier que le SIAO n’est qu’une plateforme : si on veut améliorer réellement la situation des personnes à la rue ou en sortie d’hébergement, il faut construire massivement. Dans les territoires métropolitains, les SIAO sont souvent perçus comme des gestionnaires de file d’attente – ce qui n’est pas totalement faux. Nous avons mené une étude nationale qui a montré qu’environ 1 personne sur 2 qui appelle le 115 ne se voit pas offrir de place : mais il y a de vraies disparités au niveau des grandes villes et de certains départements comme la Seine-Saint-Denis, où on atteint à certaine période un taux de 80% de réponses négatives. C’est une énorme difficulté qui épuise les professionnels : ce n’est pas un dysfonctionnement du SIAO mais une question de manque de places et d’absence de fluidité vers le logement. 2020 a été une très mauvaise année en matière de production de logements sociaux, nous avons appelé avec le Collectif des Associations Unies auquel participe aussi l’Unafo à un rebond en 2021 : il faudrait 150 000 logements sociaux par an, dont 60 000 en PLAI. Tant qu’on n’arrivera pas à ce rythme, les SIAO seront condamnés à gérer les files d’attente.