Le Premier ministre et les ministres en charge des Solidarités et du Logement ont reçu, ce jeudi 3 juillet, les associations engagées dans la lutte contre la grande exclusion. Cette rencontre, attendue de longue date, intervient à un moment crucial, dans un climat délétère pour le monde associatif et un contexte de grande inquiétude face aux arbitrages budgétaires pour 2026 qui pourraient aggraver encore les situations de vulnérabilité sociale de nombreux concitoyens.
Le Collectif ALERTE et les associations qui en sont membres ont appelé le Premier ministre à assumer une stratégie de lutte contre la pauvreté ambitieuse, cohérente, structurée, loin du saupoudrage de mesures partielles ou contradictoires. Nous lui avons demandé une nouvelle fois de respecter la loi, en s’engageant dans la définition d’un objectif chiffré et mesurable de réduction des inégalités. Plus que tout, nous avons insisté sur le fait qu’éradiquer la grande précarité exige du temps long et des actes forts et qu’aucune économie ne saurait être faite sur les besoins essentiels des personnes en difficulté ni sur les soutiens à la transition écologique des ménages modestes.
Nous avons rappelé notre opposition à une série de décisions récentes qui accentuent les mécanismes d’exclusion et stigmatisent les plus démunis : loi dite Kasbarian facilitant les expulsions locatives, nouvelles contreparties instaurées par la loi travail et nouveau régime de sanctions, généralisation de la possibilité de suspension intégrale du RSA par les départements, non-reconduction brutale de crédits destinés à l’aide alimentaire, réduction drastique des crédits soutenant l’insertion par l’activité économique, suspension de Ma Prime Rénov’, exclusion du Pass’sport des enfants de moins de 14 ans, augmentation des restes à charge pour les usagers du système de santé…
Nous avons également souligné nos très grandes inquiétudes dans cette phase de préparation du budget 2026 et la nécessité, pour le gouvernement, de s’engager à ce que les économies attendues ne se fassent pas sur le dos des classes moyennes et des personnes en situation de fragilité. Engagements fermes sur la relance de la production du logement social et sur l’hébergement d’urgence, revalorisation des minima sociaux, soutien renforcé aux dispositifs existants (“Cantine à 1 €”, pérennisation des crédits d’aide alimentaire et du Fonds Mieux Manger pour Tous pour faire face aux besoins croissants, soutien et pérennisation de Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée, chèque énergie, dispositifs de lutte contre le non-recours…) sont autant d’outils indispensables à une politique sociale digne de ce nom.
Nous avons également fait connaître nos préoccupations autour de la relance du projet d’Allocation sociale unifiée. Si nous partageons l’ambition de simplification et de lutte contre le non-recours, toute évolution en la matière nécessite de la clarté sur l’objectif final, des garanties fermes à la fois sur le périmètre de ces changements ainsi qu’un engagement financier conséquent. Nous serons particulièrement attentifs à ce que cette réforme ne
conduise pas à de nouvelles conditionnalités aux minima sociaux et n’aboutisse à fragiliser encore davantage celles et ceux qui sont déjà confrontés à de lourdes difficultés. Plutôt qu’un travail opaque et dans la précipitation, la relance d’une concertation transparente nous apparaît en ce sens indispensable. Sur ce sujet comme sur tous les autres, nous avons rappelé l’importance d’associer les personnes concernées, dans la conception, la mise en oeuvre et l’évaluation des politiques publiques.
Alors qu’un climat délétère s’installe dans notre pays, que les atteintes aux libertés associatives se multiplient, que les paroles et les actes hostiles et stigmatisants envers les plus fragiles et les étrangers se libèrent, notre société a besoin d’apaisement, de concorde, de solidarité.
En cela, le monde associatif, facteur de cohésion sociale, joue un rôle central dans l’accompagnement des personnes en situation d’exclusion et doit, à ce titre, être soutenu plutôt qu’affaibli. Or les conséquences de la baisse généralisée des crédits aux associations se font déjà sentir et auront des répercussions graves. Si elles venaient à se confirmer, certaines velléités visant notamment à réduire le soutien fiscal aux dons associatifs seraient particulièrement dramatiques pour des structures déjà fortement fragilisées et confrontées à des besoins sociaux en augmentation.
Les marges de manoeuvre existent pourtant. Elles passent par une remise à plat des dépenses inefficaces ou injustes (niches fiscales, exonérations patronales mal ciblées, subventions nuisibles à l’environnement…), et par une réforme en profondeur de notre fiscalité pour plus de justice et de solidarité.
À l’occasion de cette réunion, le Premier ministre a déclaré « La pauvreté ne peut pas être une fatalité » et il a appelé à changer le regard de la société sur la pauvreté où les personnes sont trop souvent stigmatisées et culpabilisées. Le gouvernement s’est engagé à pérenniser 203 000 places d’hébergement d’urgence et à approfondir la dynamique du Plan logement d’abord. En réponse à la mobilisation du collectif ALERTE, il a confié au CNLE le soin de travailler à définir un objectif à 10 ans de réduction de la pauvreté. Il s’est aussi engagé à combler en partie la non-reconduction des crédits aide alimentaire en 2025.
Devant ces engagements indispensables mais insuffisants au regard de l’ampleur des enjeux et de la réalité concrète vécues par les personnes, le Collectif ALERTE maintient sa mobilisation pour une réelle effectivité des droits pour toutes et tous. Si nous prenons acte de ce discours humaniste du Premier ministre, nous attendons de l’ensemble des membres du gouvernement qu’ils s’y conforment et que les politiques publiques mises en oeuvre le soient en cohérence.
La lutte contre la pauvreté ne devra être ni l’oubliée, ni la variable d’ajustement du prochain budget, car elle constitue un investissement pour la société tout entière.